« Tu trouveras plus dans les forêts que dans les livres.

Les arbres, les rochers t'enseigneront les choses qu'aucun maître ne te dira » Bernard de Clairvaux

Ecoute Les Fleurs, est un blog qui témoigne comment les artistes se mettent au diapason de la nature, comment chacun peut rester en silence ou chanter, s'émerveiller, contempler, s'inspirer, créer, recréer, toujours respecter, pas forcément étudier ou juste ce qu'il faut, ne pas agir mais protéger.

Chaque jour, écoute une fleur, elle te dira…

Chevelure immense de verdure, piquée d’une pluie de fleurs...


Au fond d’un bouquet de peupliers et de saules, une rocaille se creusait, effondrée, des blocs de rochers tombés dans une vasque, des filets d’eau coulant à travers les pierres. La grotte disparaissait sous l’assaut des feuillages.

En bas, des rangées de roses trémières semblaient barrer l’entrée d’une grille de fleurs rouges, jaunes, mauves, blanches, dont les bâtons se noyaient dans des orties colossales, d’un vert de bronze, suant tranquillement les brûlures de leur poison. Puis, c’était un élan prodigieux, grimpant en quelques bonds : les jasmins, étoilés de leurs fleurs suaves ; les glycines, aux feuilles de dentelle tendre ; les lierres épais, découpés comme de la tôle vernie ; les chèvre-feuilles souples, criblés de leurs brins de corail pâle ; les clématites amoureuses, allongeant les bras, pomponnées d’aigrettes blanches.

Et d’autres plantes, plus frêles, s’enlaçaient encore à celles-ci, les liaient davantage, les tissaient d’une trame odorante. Des capucines, aux chairs verdâtres et nues, ouvraient des bouches d’or rouge. Des haricots d’Espagne, forts comme des ficelles minces, allumaient de place en place l’incendie de leurs étincelles vives. Des volubilis élargissaient le cœur découpé de leurs feuilles, sonnaient de leurs milliers de clochettes un silencieux carillon de couleurs exquises. Des pois de senteur, pareils à des vols de papillons posés, repliaient leurs ailes fauves, leurs ailes roses, prêts à se laisser emporter plus loin, par le premier souffle de vent.

Chevelure immense de verdure, piquée d’une pluie de fleurs, dont les mèches débordaient de toutes parts, s’échappaient en un échevellement fou, faisaient songer à quelque fille géante, pâmée au loin sur les reins, renversant la tête dans un spasme de passion, dans un ruissellement de crins superbes, étalés comme une mare de parfums.

Un extrait des merveilleuses descriptions de jardins dans La Faute de l'Abbé Mouret, de Emile Zola, 1875

En illustration : une photo du jardin de Mudita